Cette thèse étudie l’institutionnalisation d’un ordre régional consacré au gouvernement des eaux douces en Afrique australe. Elle interroge ainsi les logiques du multilatéralisme et de la régionalisation à partir d’une bureaucratie sectorielle. La thèse propose dans une première partie d’explorer l’interpénétration d’ordres et d’espaces sociaux (inter)nationaux qui viennent définir l’ordre hydrique d’Afrique australe comme un espace interstitiel et dépendant, à la croisée des champs du pouvoir nationaux et d’une communauté internationale du développement de l’eau. Cette situation aboutit à la mise en place d’une bureaucratie caractérisée par l’incertitude et la personnalisation des relations entre les agents. Dans une deuxième partie, la thèse se penche sur les ressorts de la prise de rôle de ces agents régionaux. Par l’étude des procédures et de la formalisation des pratiques, il s’agit d’observer les ancrages et l’articulation du mépris et de la domination dont ils sont l’objet depuis les ordres sociaux dominants (champs du pouvoir nationaux et communauté internationale du développement hydrique). En parallèle, l’informalisation de leurs interactions s’inscrit d’une part dans des dynamiques d’effacement du politique tout en renforçant d’autre part des rapports de pouvoir régionaux. Enfin, l’observation des conditions sociales de la loyauté dans cet ordre régional permet d’interroger à nouveaux frais les affinités de statut, à rebours des lectures individualisantes des rapports sociaux dans les milieux d’expertise internationaux. Par leurs pratiques, les agents négocient ainsi les injonctions et contraintes qui leur sont opposées, et rendent ainsi possible la pérennité de leur ordre régional en même temps que celui-ci leur assure une position sociale.