La plupart des manuels dédiés à l’étude du « droit des contrats spéciaux » témoignent de la permanence de la conception classique du prêt, contrat réel et unilatéral ne faisant naître d’obligations qu’à la charge de l’emprunteur. Pourtant, cette conception encourt de nombreux griefs, et notamment celui d’assimiler trompeusement le contrat de prêt à une opération de restitution de la chose empruntée. Voilà pourquoi certains auteurs se sont évertués à proposer une nouvelle définition du prêt : celui-ci serait « le contrat par lequel une personne accorde à l’autre la jouissance temporaire d’une chose ». Leurs travaux ont ainsi contribué à l’émergence d’une conception moderne, centrée sur l’obligation faite au prêteur de laisser l’emprunteur jouir de la chose prêtée. Aussi, et surtout, lesdits travaux ont semble-t-il conduit les juges à retenir que l’obligation de restitution trouve sa cause dans « l’obligation souscrite par le prêteur ». Or, et puisque « l’esprit voit avec plus de justesse et de clarté les objets qu’il a scrutés sous toutes leurs faces » , il nous est apparu nécessaire de parachever ce mouvement de refondation du contrat de prêt, en nous efforçant de dessiner les contours de l’obligation ainsi mise à la charge du prêteur. Dans cette perspective, le parti a été pris de lui attribuer un nom – « obligation de prêter » – et de procéder en deux temps : tout d’abord, définir celle-ci afin d’en dévoiler la nature ; ensuite, mesurer celle-ci afin d’en révéler l’envergure.